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« En réponse à votre dernière lettre, je vous adresse sous ce
pli un document qui a été recueilli en mer par un navire danois, à
la date du 5 juin dernier. Malheureusement, ce document ne
laisse plus aucun doute sur le sort du Viken& »
Sylvius Hog, sans prendre le temps d achever la lettre, avait
tiré le document de l enveloppe& Il le regardait& Il le retour-
nait&
C était un billet de loterie, portant le numéro 9672.
Au revers du billet, on lisait ces quelques lignes :
« 3 mai.  Chère Hulda, le Viken va sombrer !& Je n ai plus
que ce billet pour toute fortune !& Je le confie à Dieu pour qu il te
le fasse parvenir, et, puisque je n y serai pas, je te prie d être là
quand il sera tiré !& Reçois-le avec ma dernière pensée pour
toi !& Hulda, ne m oublie pas dans tes prières !& Adieu, chère
fiancée, adieu !&
« Ole Kamp. »
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XII
Voilà donc quel était le secret du jeune marin ! C était là cette
chance sur laquelle il comptait pour apporter une fortune à sa
fiancée ! Un billet de loterie, acheté avant son départ !& Et au
moment où allait sombrer le Viken, il l avait enfermé dans une
bouteille, il l avait jeté à la mer, avec un dernier adieu pour Hul-
da !
Cette fois, Sylvius Hog fut anéanti. Il regardait la lettre, puis
le document !& Il ne parlait plus. Qu eût-il pu dire, d ailleurs ?
Quel doute pouvait exister maintenant sur la catastrophe du Vi-
ken, sur la perte de tous ceux qu il ramenait en Norvège ?
Hulda, pendant que Sylvius Hog lisait cette lettre, avait pu
résister et se raidir contre l angoisse. Mais, après les derniers
mots du billet de Ole, elle tomba dans les bras de Joël. Il fallut la
transporter dans sa chambre, où sa mère lui donna les premiers
soins. Elle voulut rester seule alors, et, maintenant, agenouillée
près de son lit, elle priait pour l âme de Ole Kamp.
Dame Hansen était rentrée dans la salle. Tout d abord, elle
fit un pas vers le professeur, comme si elle eût voulu parler, et, se
dirigeant vers l escalier, elle disparut.
Joël, lui, après avoir reconduit sa sSur, était aussitôt sorti. Il
étouffait dans cette maison ouverte à tous les vents de malheur. Il
lui fallait l air du dehors, l air de la bourrasque, et, pendant une
partie de la nuit, il resta à errer sur les bords du Maan.
Sylvius Hog était seul maintenant. Au premier moment,
abattu par ce coup de foudre, il ne tarda pas à retrouver son éner-
gie habituelle. Après avoir fait deux ou trois tours dans la salle, il
écouta si quelque appel de la jeune fille n arriverait pas jusqu à
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lui. N entendant rien, il s assit près de la table, et ses réflexions
reprirent leur cours.
« Hulda, se disait-il, Hulda, ne plus revoir son fiancé ! Un
pareil malheur serait possible !& Non !& À cette pensée tout se
révolte en moi ! Le Viken a sombré, soit ! Mais y a-t-il donc une
certitude absolue de la mort de Ole ? Je ne puis le croire ! Dans
tous les cas de naufrage, n est-ce pas le temps seul qui peut affir-
mer que personne n a pu survivre à la catastrophe ?
Oui ! je doute, je veux douter encore, dussent ni Hulda, ni
Joël, ni personne ne plus partager ce doute avec moi ! Puisque le
Viken s est englouti, cela explique-t-il qu il n en soit resté aucun
débris sur la mer ?& non !& rien, si ce n est cette bouteille dans
laquelle le pauvre Ole a voulu mettre sa dernière pensée, et, avec
elle, tout ce qui lui restait au monde ! »
Sylvius Hog tenait à la main le document, il le regardait, il le
palpait, il le retournait, ce chiffon de papier sur lequel le pauvre
garçon avait édifié toute une espérance de fortune !
Cependant, le professeur, voulant l examiner avec plus de
soin, se leva, écouta encore si la pauvre fille n appelait pas sa
mère ou son frère, et il rentra dans sa chambre.
Ce billet était un billet de la loterie des Écoles de Christiania,
loterie très populaire alors en Norvège. Gros lot : cent mille
marks1. Valeur totalisée des autres lots : quatre-vingt-dix mille
marks. Nombre des billets émis : un million  tous placés actuel-
lement.
Le billet de Ole Kamp portait le numéro 9672. Mais, mainte-
nant, que ce numéro fût bon ou mauvais, que le jeune marin eût
ou non quelque secrète raison d y avoir confiance, il ne serait plus
là au moment du tirage de cette loterie, qui devait s effectuer le 15
juillet prochain, c est-à-dire dans vingt-huit jours. Hulda, suivant
1
Environ cent mille francs.
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sa dernière recommandation, devrait se présenter à sa place et
répondre pour lui !
Sylvius Hog, à la clarté de son chandelier de terre, relisait at-
tentivement les lignes écrites au dos du billet, comme s il eût vou-
lu y découvrir quelque sens caché.
Ces lignes avaient été tracées à l encre. Il était manifeste que
la main de Ole n avait pas tremblé pendant qu il les écrivait. Cela
prouvait que le maître du Viken avait tout son sang-froid au mo-
ment du naufrage. Il se trouvait ainsi dans des conditions à pou-
voir profiter d un moyen de salut quelconque, un espar flottant,
une planche en dérive, si tout n avait pas été englouti dans le
gouffre où sombrait le navire.
Le plus souvent, ces documents, recueillis en mer, font à peu
près connaître l endroit où s est accomplie la catastrophe. Sur
celui-ci, il n y avait pas une latitude, pas une longitude, rien qui
indiquât quelles étaient les terres les plus rapprochées, continent
ou îles. Il fallait en conclure que le capitaine ni personne de
l équipage ne savait où se trouvait alors le Viken. Entraîné, sans
doute, par une de ces tempêtes auxquelles on ne peut résister, il
avait dû être rejeté hors de sa route, et, l état du ciel ne permet-
tant pas d obtenir une observation solaire, la position n avait pu
être relevée depuis quelques jours. Dès lors, il était probable
qu on ne saurait jamais en quels parages du nord de l Atlantique,
au large de Terre-Neuve ou de l Islande, l abîme s était refermé
sur les naufragés.
C était là une circonstance qui devait enlever tout espoir,
même à qui ne voulait pas désespérer.
En effet, avec une indication, si vague qu elle fût, on aurait [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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